Le rêve m’a trahi

Cinéma

Genre : 1er LM

Budget : 1,15 M€

Stade : Développement


Réalisation
  • Mohammad Shaikhow
Scénario
  • Mohammad Shaikhow
Production
  • Les Films d’Ici (Camille Laemlé)
Partenaire(s)
  • Cinemed (Bourse d'aide au développement) (lauréat de la résidence d’écriture au Moulin d’Andé, octobre 2021)

Synopsis

Mesto, un jeune Kurde promis à un avenir de talentueux footballeur, devient le symbole du peuple kurde opprimé et de son combat politique, en marquant un but chez l’opposant lors d’un dernier match, dans une Syrie nationaliste et tyrannique.

Note d’intention
En 2004, suite aux émeutes de Qamichli, mon père se trouve alors en prison avec des milliers de militants. J’ai 16 ans et je suis emmené par les services de renseignement pour être interrogé sur les activités politiques de mon père. Ces émeutes n’ont jamais été médiatisées ni racontées à cause de la censure imposée par le régime. Je voudrais dresser le portrait d’une société kurde qui a été privée de son identité et de sa culture pendant un demi siècle. C’est pour cela que j’ai choisi de construire un récit autour de cet événement important, qui illustre les inégalités sociales et le fait de se sentir étranger dans son propre pays. Comme Mesto, de nombreuses générations kurdes ont été privées de leurs rêves, de leurs envies et de leurs désirs à cause des conditions dans lesquelles ils se trouvaient.
Dimension intime – L’évolution de la trajectoire de Mesto, un jeune homme rêveur, permet de questionner l’avenir d’une jeunesse et de comprendre les chemins qu’elle a empruntés. Mesto ne rêve que d’une chose : devenir footballeur. Mais il se retrouve malgré lui poussé à devenir le symbole d’un combat politique. À l’image du maillot trop grand qu’il porte pendant le match, il devient le héros d’un rôle qui le dépasse. Ce destin provoqué par le hasard va l’emmener loin de ses propres désirs.
Militantisme collectif – L’interdiction et le refus de l’identité kurde par le régime a conduit à l’émergence de partis politiques clandestins qui luttent pour les droits des Kurdes en Syrie. À travers le personnage du frère Azad, un militant engagé, je souhaite évoquer le réseau de résistance souterrain qui a existé à Qamichli, comme partout dans la région. Ces militants très respectés par la population ont su créer un sentiment d’appartenance collective dans la lutte chez les Kurdes en défendant son existence et son identité. Dès la fin du match, une grande majorité de la population se réunit autour d’Azad et de ses camarades pour se révolter et réclamer plus de droits et de libertés. Certains hommes religieux, comme Ahmed le père de Mesto, ont véritablement participé à ce combat collectif en faisant des discours et des prières en kurde dans leurs mosquées. À travers son personnage de mollah, je souhaite rappeler une pensée présente dans toutes les religions qui donne le droit à chacun de pratiquer sa croyance dans sa propre langue.
Cohabitation pacifique – Depuis des décennies, les Kurdes, les Arabes et les Assyriens cohabitent pacifiquement dans cette région, mais avec l’arrivée des régimes nationalistes au pouvoir, cette entente s’est dégradée. Je voudrais recréer cette image d’un quotidien pacifique entre ces peuples et révéler l’origine des conflits entre ces ethnies. En ce sens, le début du film donne à voir un esprit de solidarité et de tolérance ordinaire entre les commerçants arabes et kurdes, mais mis à mal par les autorités du régime. De même pour le jour du match où la police ne fera rien pour calmer les tensions entre les supporters et laissera les deux camps se lancer dans un combat mortel.
Le retour, une société militarisée – Certes le Kurdistan-Syrien et la communauté internationale célèbrent le courage des combattants pour la liberté, mais peut-on se demander si la société kurde elle-même ne s’aperçoit pas d’une militarisation progressive de ses valeurs ? Plusieurs années plus tard, à son retour à Qamichli, Mesto pense qu’il rattrapera enfin son rêve perdu. Mais progressivement, il se rend compte de l’ampleur de l’impact que la guerre a causé sur sa ville et sur son peuple. Inquiet, il voit une société très militarisée, qui sur-valorise l’image du combattant kurde en héros, et se retrouve face à des actes de corruption cachés par les chefs militaires. Ce sont ces changements que je souhaite questionner à travers le regard de Mesto, symptômes d’une réalité inquiétante pour l’avenir des futures générations élevées et manipulées par la guerre. Cette influence du pouvoir militaire sur la démocratie soulève chez moi une question fondamentale : une fois la liberté obtenue, quel type de société voulez-vous construire? Le départ de Mesto à la fin ne prétend pas fournir une réponse à ce problème, mais montre que tant qu’une guerre est remplacée par une autre, les rêves restent souvent impossibles à réaliser.