La Nuit des Reines

Cinéma

Budget : 2,98 M€

Stade : Financement


Réalisation
  • Valentin Noujaïm
Scénario
  • Valentin Noujaïm
  • Chloé Delaume
Production
  • Kometa Films
Coproduction
  • Tico Films (Italie)
Partenaire(s)
  • Cinemed (Bourse d'aide au développement) (2021)
  • Ciclic - Région Centre-Val de Loire (aide au développement, 2021, 13.000€)
  • Rencontres de coproduction francophone (RCF) (octobre 2022)
  • CNC (aide au développement, janvier 2023, 12.000€)

Synopsis

Une fête du 14 Juillet. Les années 1960. Un royaume arabe colonisé par la France. Une reine arabe passionnée de Marie-Antoinette. Une femme de chambre ambitieuse. Une pièce sur la révolution française jouée par les bonnes. Des ambassadrices exubérantes. Une soirée galante qui se transforme en soirée sanglante.

In english dans le texte
A party on Bastille Day. The 1960’s. An Arab country colonized by France. An Arab queen obsessed by Marie-Antoinette. A play about French revolution, performed by the queen’s maids. A glamorous reception that will end in a bloodbath.

Note d’intention
Il y a des nuits qui peuvent tout faire changer, tout basculer. Lorsque le Liban était un protectorat français, on raconte que la femme du président aimait appeler ses bonnes avec des noms de reines françaises. Le Liban et la plupart des pays arabes connaissent un profond sentiment d’amour/haine envers la France, notamment la classe dirigeante arabe. Récemment, Nazik Hariri, femme du premier ministre libanais Rafic Hariri, ne jurait que par la France. Elle aurait vendu son âme pour être aussi française que Bernadette Chirac. […] Nazik Hariri et cette légende qu’on raconte sur le protectorat français ont été mes deux points d’inspiration pour mon film. Dans Le Balcon de Jean Genet, l’auteur imagine une maison close dans un royaume qu’on ne connaît pas. Chaque client qui rentre dans le bordel raconte des évènements qui se déroulent en extérieur. Une révolution se prépare. La reine va être tuée. Les prostituées, avec leurs clients, s’imaginent reine à leur tour. En lisant cette pièce, je me suis imaginé la même situation, mais dans un pays arabe. À la place des prostituées, des bonnes, mais le même désir d’utopie.
De quoi rêve la bourgeoisie arabe ? J’avais très envie de parler des femmes que je connais, de la bourgeoisie libanaise et égyptienne autour de moi, de mes tantes et cousines restées à Beyrouth et Alexandrie qui rêvent de venir faire du shopping rue de Rivoli, qui exagèrent tout de la France, comme un spectacle permanent, comme une caricature de ce que la France peut être. J’avais très envie de porter un regard critique et doux sur ces femmes de ma famille. Cette classe sociale a une attitude bipolaire envers sa propre race, c’est une classe sociale qui refuse de parler l’arabe, qui refuse d’être mise de côté par les Européens, une classe fière et cupide.
De quoi rêve le peuple arabe ? J’avais envie de parler de révolutions, d’un peuple qui se soulève, d’un peuple de femmes, de classes populaires qui subissent la France au lieu de la rêver, de classes populaires qui deviennent acteurs et actrices de leur propre histoire. Les récents évènements au Liban, en Égypte, en Algérie, mais aussi dans une autre mesure aux États-Unis contre le racisme ou en France avec les gilets jaunes m’ont porté dans mon écriture. J’avais envie de penser avec James Baldwin lorsqu’il dit “La liberté n’est pas quelque chose que l’on peut donner, la liberté est quelque chose que les gens prennent ; et ils sont aussi libres qu’ils désirent être libres” et je voulais la compléter avec la pensée de Jean Genet : “Ce qu’il nous faut, c’est la haine. D’elle naîtront nos idées”.
La Nuit des Reines est un film sur le désir et la révolution. Tous les personnages désirent quelque chose ou quelqu’un d’autre. C’est la frustration de ces désirs qui va amener la révolution, le désir érotique, le désir de promotion sociale, le désir de reconnaissance, le désir de vengeance. À mesure que le monde extérieur entre dans le palais, Leïla comprend deux choses : que Marie-Rose n’est qu’un pion comme elle et que “chacun doit rester à sa place”. Trahie par sa maîtresse, Leïla devient la révolution. C’est une fable politique, une pièce de théâtre à plusieurs niveaux. Comme dans un conte, l’action ne se situe ni dans un pays ni dans une époque précise, permettant alors de parler ouvertement d’une situation politique complexe. Le film aurait pu se passer dans n’importe quel pays arabe colonisé par la France, et les rapports de force à n’importe quelle époque depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. En se détachant de l’histoire réelle, le film peut aller plus loin dans ce qu’il dénonce. Le film traverse alors plusieurs genres. Il commence comme un conte dans un royaume lointain. Au fur et à mesure du scénario, cette fable en costume devient une parodie camp, flirtant à la fin du film avec le giallo. […] Susan Sontag, dans son livre Notes on Camp, explique : “The whole point of Camp is to dethrone the serious. Camp is playful, anti- serious. More precisely, Camp involves a new, more complex relation to ‘the serious’. One can be serious about the frivolous, frivolous about the serious.” Je voulais que mon film soit “camp” car lorsque je vois les Arabes rêver de la France, que ce soit dans l’architecture qu’ils construisent ou dans les vêtements, tout me parait déjà être une satire “camp” involontaire qu’il me semblait très intéressant de reconstituer dans un film. Le film est “camp”, dans les décors, les costumes des années 1960, dans ce huis-clos entre charme à la française et orientalisme décadent. À la fin du film, les rôles s’inversent comme dans une commedia dell’Arte. Plus personne n’est à sa place, c’est ça la révolution. Marie-Rose est obligée de fuir et Leïla, digne et puissante, salue son armée de bonnes depuis le balcon royal. Une nouvelle reine vient d’être couronnée. Elles font enfin la révolution pour elles-mêmes, par elles-mêmes, sans une classe dirigeante au-dessus, sans une armée étrangère pour leur lier les mains, sans hommes pour parler à leur place, sans personne pour entraver la liberté. Donc la prochaine fois, le feu.