Curieuse, passionnée par la recherche et l’accompagnement de nouveaux talents, Catou Lairet développe au sein de sa société de production, Grand Amour, plusieurs séries ainsi qu’une comédie pour le cinéma, toutes ancrées dans le domaine du fantastique.
Deux ou trois choses que l’on sait d’elle…
Catou Lairet est scripte puis monteuse avant de travailler dans la postproduction chez Duran Duboi. “J’ai été l’assistante de Pitof et j’ai vu éclore Michel Gondry, Caro & Jeunet, toute cette bande de jeunes réalisateurs férus de technologie qui venaient chez Duboi pour effectuer leurs effets spéciaux.” Neuf ans plus tard, elle devient agent de réalisateurs avant de se lancer dans le casting en montant ses propres studios. “J’adorais le côté recherche de tronches, de talents, mais j’œuvrais essentiellement dans la publicité.” Les attentats de 2001 passent par là, les budgets sont divisés par deux, Catou Lairet est contrainte de déposer le bilan de Studio C.
Elle croise alors Gilles Galud, perdu de vue depuis l’époque Duran. “Il venait faire ses trucages, ses génériques et ses habillages télé, et on se croisait régulièrement.”
Gilles Galud lui propose de rejoindre La Parisienne d’Images, qui a tout juste trois mois d’existence, et de l’accompagner sur un projet d’émission, Les films faits à la maison. “On était en 2003, c’était les débuts de la démocratisation des petites caméras DV, la naissance des premiers logiciels de montage qu’on pouvait installer soi-même sur son ordinateur portable et qui ne coûtaient pas trop cher. On a décidé de monter cette émission qui mettait en avant les œuvres d’autoproduction.” L’aventure durera sept ans. “C’était une émission hebdomadaire, au début sans plateau, ensuite avec plateau. Et puis, les médias ont évolué, l’arrivée de YouTube et DailyMotion a fait que toutes les talents qu’on mettait en avant sur la chaine de Canal+ n’avaient plus besoin de cette vitrine. En parallèle, on s’est rendu compte avec Gilles qu’il y avait un vivier de jeunes réalisateurs extrêmement talentueux, qui arrivaient à faire des courts métrages avec des bouts de ficelles.”
Le duo propose à Canal+ de créer une nouvelle fenêtre : La Nouvelle Trilogie, afin de mettre en avant ces nouveaux talents. “On a commencé à travailler sur le développement de ce projet, qui, côté format, ne cessera d’évoluer. On a débuté en 6 x 13’ avant de passer en 3 x 30’ pour finir en 90’, en l’espace de sept ans grosso modo. C’était formidable, hyper intéressant, j’ai adoré cette période… On a notamment développé Hard !” A côté de ça, l’émission Les films faits à la maison s’était donc arrêtée pour laisser le champs à un autre magazine, L’œil de Links. “On mettait en avant toute la créativité qu’on pouvait trouver sur le Web ; on rendait en fait à César ce qui lui revenait !” Durant cette période à La Parisienne d’Images, Catou Lairet produit entre autres la fiction Pilules bleues de Jean-Philippe Amar pour Arte et quelques documentaires de commande…
En 2015, La Parisienne d’Images est rachetée par Vivendi pour devenir Studio+, la nouvelle cellule de production du groupe Vivendi-Canal+ ; sa mission : faire des séries courtes de 10 x 10’ pour une plateforme accessible dans le monde entier. “On a produit 32 séries en 20 mois, un truc incroyable au niveau industriel, le tout dans six langues et dans 18 pays. Ça a été une aventure formidable, une nouvelle façon de travailler. Une nouvelle façon d’écrire aussi parce que le 10 x 10’ ce n’est pas du tout comme si on écrivait une fiction de 90’ ou 100’. C’est beaucoup de cliffhangers, de reprises, c’est une tout autre narration… Et puis Studio+ a fermé.”
Catou Lairet décide alors de remonter une nouvelle structure, Grand Amour, en octobre 2018.
Pourquoi avez-vous appelé votre société de production Grand amour ?
Parce que J’ai beaucoup d’amour pour ce métier, pour ce que je fais, et je trouvais que c’était une jolie façon de le montrer, de le clamer… J’ai la ferme intention de continuer à faire ce que j’aime avec amour !
Dans quelle mesure, de quelle manière ce que vous avez fait jusqu’ici oriente vos choix, ce que vous avez envie de produire aujourd’hui ?
Il y a un vrai ADN qui est ancré en moi. J’ai fait pendant sept ans La Nouvelle Trilogie, c’était surtout de le fiction de genre avec une ligne éditoriale affichée qui était “pas de flics, pas de toubibs, pas de juges” parce qu’à l’époque la fiction française essaimait essentiellement des séries avec des juges, des flics et des docteurs… On est aussi surtout allé chercher des jeunes auteurs réalisateurs qui n’avaient quasiment rien fait, voire vraiment rien fait, mais qui avaient des idées originales, du talent, et qu’on avait envie d’accompagner.
Mon parcours personnel s’articule beaucoup autour de cette notion de découverte, de curiosité. Depuis toujours, j’ai une passion pour les nouveaux talents, envie de les accompagner dans leurs projets, de les aider à accoucher de leurs envies…
Avec Grand Amour, c’est exactement ce que j’ai envie de continuer de faire : travailler avec de jeunes auteurs et réalisateurs.
Pouvez-vous nous parler de vos projets actuellement en développement ?
Il y a tout d’abord Ava, un 6 x 52’ adapté de la pentalogie de Maïté Bernard dont j’ai acquis les droits auprès des éditions Syros. Ava, c’est l’histoire d’une jeune ado de 14 ans, qui peut voir les fantômes et leur parler depuis l’âge de 4 ans. Pour elle, c’est l’enfer, parce que personne ne la croit, on la prend pour une folle, une menteuse, on pense qu’elle veut faire son intéressante, se faire remarquer. Ava fait donc depuis toujours attention à ce que personne ne se rende compte qu’elle voit les fantômes. Jusqu’au jour, où, à 14 ans, elle se retrouve parachutée chez son oncle sur les îles anglo-normandes. A peine arrivée, elle va tomber nez à nez avec le fantôme d’une jeune femme qui se rend compte qu’Ava la voit et la supplie de lui venir en aide…
Ava, en fait, c’est l’histoire d’une jeune fille qui va découvrir qu’elle a un rôle à jouer, celui de consolatrice de fantômes, et découvrir que ça lui permet de grandir, de devenir une jeune femme, de s’épanouir…
C’est une série qui parle de féminisme, d’intégration, du fait de devenir adulte, de conflit, de déni… Il y a beaucoup de thèmes universels très forts qui sont traités dans la série, à travers des aventures incroyables, des combats avec des fantômes, avec d’autres consolateurs…
C’est un peu une métaphore de la vie d’une jeune fille, qui est parachutée dans le monde des adultes, et qui va devoir trouver ses propres armes pour pouvoir se construire, faire sa place… Ava est une série pour jeunes adultes. Marthe Verdet, qui était directrice du développement à Studio+, planche sur l’adaptation. C’est une série à vocation européenne. Comme l’action se passe sur les îles anglo-normandes, ça pourrait faire une belle collaboration franco-britannique.
Vous développez aussi une mini-série écrite par Julien Guérif…
Oui, un 3 x 52’ intitulé Pest. Ce projet a vu le jour suite à une rencontre avec l’agent de Julien Guérif, Lise Arif, que j’aime beaucoup. Je lui ai parlé d’un projet que j’avais envie de développer à partir d’un article que j’avais lu dans Courrier international, sur un journaliste qui s’était fait auto-hacké, et s’était retrouvé dans un enfer absolument hallucinant. Elle m’a suggéré de rencontrer Julien qui avait travaillé dans les jeux vidéo… On a déjeuné ensemble, Julien avait déjà lu l’article de son côté et commencé d’ailleurs à travailler sur ce sujet en modifiant le métier du personnage principal qui n’était plus journaliste. Il m’a proposé de me faire lire les quelques pages qu’il avait écrites, ça m’a intéressé et on a commencé à travailler ensemble.
Pest raconte l’histoire d’un jeune analyste qui travaille pour une grosse société, est souvent en missions dans d’autres entreprises, a très peu de vie sociale, est tout le temps en déplacement ; c’est surtout un gros geek qui vit la nuit, sa vie sociale est surtout sur les réseaux sociaux. Du jour au lendemain, il se retrouve complètement hacké : plus de téléphone portable, plus de mot de passe, compte vidé, il n’a plus accès à rien, quelqu’un s’est installé chez lui et a changé les serrure… Il se retrouve du jour au lendemain à la rue sans un sou… Tout seul, il va devoir se confronter au reste du monde avec lequel il n’a pas l’habitude de communiquer, et essayer de comprendre pourquoi on l’a hacké, si ça a un rapport avec sa boite, son travail…
A côté de ces séries, vous planchez également sur un long métrage…
Je développe en effet un long métrage, Georges Brassens contre les extraterrestres. C’est l’histoire de quatre adolescents qui sont collés un samedi matin dans leur collège de banlieue. Pendant qu’ils sont en train de se filmer en train de faire les cons avec un poulpe qu’ils ont volé dans la salle de chimie, il y a une espèce de caillou gluant qui tombe dans la cour de récré et qui s’avère évidemment être une attaque d’extraterrestres. Ce gluant est très collant et quand il colle, il te transforme en gluant à l’identique, tu deviens gluant sur pattes. Les quatre ados vont essayer de se sortir de ce bordel, d’échapper au surveillant et à l’homme de ménage, et découvrir que grâce au Fanta citron ils peuvent arriver à détruire les gluants. En résumé, c’est l’histoire de quatre ados qui sauvent le monde grâce au Fanta citron !
C’est à l’origine un projet qui était formaté en série de 10×10’ pour Studio+. On a fait retravailler les auteurs, Sylvain Gauchet et Philippe Massé, pour en faire un long métrage, on a notamment renforcé le personnage du surveillant afin qu’il soit plus présent…
C’est une comédie fantastique low cost, un budget qui devrait tourner entre 1,2 et 1,5 million d’euros, que je fais en coproduction avec Les Films en Tête.
Doit-on comprendre que Grand Amour va produire essentiellement du genre…
C’est clair que le genre est très ancré chez moi. C’est ce que j’aime par-dessus tout. Je pense que je vais avoir du mal à en sortir pour être honnête ! Mais si mes projets actuels sont plutôt à classer dans le registre du fantastique, je ne vais pas m’enfermer là-dedans non plus. Je suis fan de polars, de thrillers…
Surtout, j’ai très envie aussi de continuer à travailler en coproduction. C’est quelque chose qui m’a énormément plu à Studio+, ça décuple l’énergie qu’on peut apporter à un projet. Et puis, ne dit-on pas que l’union fait la force !
D’ailleurs, je travaille aussi sur un autre projet avec Films en Tête. C’est un biopic sur Gerda Taro (de son vrai nom Gerta Pohorylle), la première photographe reporter de guerre, dans les années 1930. Elle a couvert la guerre d’Espagne avec Robert Capa. Elle est morte la veille de ses 27 ans écrasée par un char républicain. C’était une femme d’une grande modernité, profondément féministe, très belle, intelligente, libre, qui a eu un parcours incroyable, une vie courte mais intense. On se base sur l’ouvrage Regarder, de Serge Mestre, paru aux éditions Sabine Wespieser, dont on a pris les droits.
Propos recueillis par Olivier du Jaunet
Publié le 5 novembre 2019.